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Une forêt dans la ville à Lens
- initiative
- récit
Depuis 2021, l’ancienne friche Van Pelt, située en périphérie de Lens, fait l’objet d’un réaménagement en forêt urbaine. Grâce à la mise en place de solutions d’adaptation fondées sur la nature, l’ancien site industriel devient un milieu riche biodiversité.
Le projet en bref
Objectifs de développement durable
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Transformer à moindre coût une friche industrielle en forêt, voilà le pari qu’ont fait la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin (CALL) et la Ville de Lens avec le site Van Pelt, en missionnant l’Établissement public foncier (EPF) qui a confié une partie des travaux de renaturation à l’entreprise ECT basée à Givenchy-en-Gohelle. Le site de deux hectares et demi, situé au sud-est de la ville, à proximité d’une rocade et de l’autoroute, était composé d’un ancien parking couvrant une zone polluée, de plusieurs bâtiments d’usines désaffectées ainsi que d’une ancienne déchetterie.
Une problématique commune aux Hauts-de-France
Ayant connu une phase de désindustrialisation dans les années 1970, la région Hauts-de-France compte aujourd’hui de nombreuses friches (près de 1131 recensées par le Cerema). Un paysage qui pose la question des opportunités de réhabilitation. À l’heure de la loi « Climat et résilience » qui impose le Zéro artificialisation nette (ZAN) et qui limite les surfaces où les communes peuvent artificialiser les sols, l’utilisation de ces sites est généralement une bonne alternative à l’étalement urbain : plutôt que de construire en bordure de ville, les réhabilitations permettent de créer des logements ou d’accueillir des activités économiques sans imperméabiliser et artificialiser davantage les sols. La renaturation des friches permet de proposer des compensations dans le cadre d’un compte foncier équilibré.
Forte des renaturations déjà effectuées sur d'anciens sites miniers sur son territoire et pour soutenir le plan forestier régional, la Ville de Lens, en lien avec la CALL décide de créer une forêt urbaine sur l’ancien site Van Pelt. La renaturation de cette friche s’inscrit également dans la Chaîne des parcs, un projet inter-collectivités de valorisation des anciens sites paysagers hérités de l’époque minière, reliant notamment 4200 ha d’espaces naturels entre eux.
Une réhabilitation progressive et coopérative
Après une première phase de déconstruction des anciens bâtiments et de gestion des sources concentrée de pollution des sols, où une attention particulière est portée à la biodiversité présente sur le site (inventaire naturaliste préalable) et au traitement des déchets occasionnés, l’EPF dessine les plans d’une forêt urbaine adaptée au changement climatique. L’EPF en confie la réalisation à l’entreprise ECT, dans le cadre d’une offre de concours (réalisation de travaux et/ou mise à disposition d’ingénierie de manière volontaire, gratuite par un·e contributeur·ice directement ou indirectement intéressé par l’opération).
Le nouveau substrat de Van Pelt, pour accueillir les plantations, est issu de terres inertes venant des chantiers du secteur. Habitué aux terrains non fertiles, puisqu’ayant participé à la renaturation des terrils, l’EPF a encore une fois prouvé son savoir-faire. « Plus un terrain est pauvre agronomiquement, et plus il est diversifié. La contrainte des sols sélectionne une flore, une faune et une fonge triées sur le volet. Sur les terrils, ça pousse bien ! », explique Guillaume Lemoine, à l’époque référent biodiversité et ingénierie écologique à l’EPF, aujourd’hui chargé de développement foncier et référent en biodiversité à ECT.
Enfin, élu·es, technicien·nes de la Ville de Lens, de la CALL et de l’EPF participent aux premières plantations en 2021, donnant l’impulsion au projet.
Une forêt pensée dans les moindres détails
Plusieurs choix ont été faits, qui allient bon sens, adaptation au changement climatique et cohérence écologique :
- Planter des couvre-sols à base de fabacées (ex. légumineuses), permettant l’apport d’azote atmosphérique et la régénération des fonctions du sol. Ce couvert permet en outre de limiter les coûts de gestion en empêchant la pousse de plantes adventices (mauvaises herbes) susceptibles de concurrencer les jeunes plants ;
- Planter de jeunes pousses, bien moins onéreuses que de grands arbres. Les plantes choisies allient espèces régionales, de la marque de l’Office français de la biodiversité (OFB) « végétal local », et espèces adaptées au changement climatique, plantées densement et par bouquets monospécifiques. Cette méthode de plantation permet de limiter la concurrence entre espèces à croissance rapide et espèces à croissance plus lente et de sélectionner à terme les plus beaux plants ;
- Gérer la propagation de la Renouée du Japon, espèce exotique envahissante, en la recouvrant d’une couche épaisse de limon. Cette méthode permet d’éliminer de manière efficace et écologique la plante héliophile, alors privée de lumière du soleil. La plantation dense d’Aulnes glutineux sur ce limon permet la concurrence avec la renouée, et donc de limiter les risques d’une possible reprise ;
- Créer un relief concave plutôt que convexe, pour assurer une infiltration de l’eau dans les sols de la forêt plutôt que dans les réseaux d’eau.
Couper l’herbe sous le pied du changement climatique
L’intérêt de la renaturation est multiple. Une forêt urbaine contribue en effet à :
- S’adapter au changement climatique, puisque la désimperméabilisation des sols permet de nouveau l’infiltration des eaux pluviales et limite le risque d’inondation. Elle lutte également contre les îlots de chaleur urbains en créant des zones de fraîcheur ;
- Favoriser la biodiversité, en offrant des conditions d'accueil plus favorables à la faune, la flore et la fonge en milieu urbain (multiplication des espèces (plantes-hôtes), des écotones et des structures de végétation). Le nombre d’invertébrés présents y est impressionnant (cuivré commun, azuré de la bugrane, demi-deuil, machaon, …).
- Atténuer le changement climatique en restaurant des puits de carbone naturels. Les arbres mais aussi les sols et la biomasse (prairies) permettent de capter une partie du carbone issu des gaz à effet de serre ;
- Renforcer l’attractivité du territoire et améliorer le bien-être des habitant·es. De nombreuses études ont démontré une forte dépendance entre bien-être et accès à la nature.
Ses vertus écologiques ont par ailleurs été récompensées par le label Euralens, attribué par le Pôle métropolitain de l'Artois.
Un travail en perpétuel évolution
Les deux premières années ont été assez rudes pour les jeunes plants, qui ont connu des épisodes de fortes sécheresses et des pluies intenses. La moitié d’entre eux ont dépéri et furent remplacés. Aujourd’hui, l’ancienne friche Van Pelt est plus verte que jamais ! La forêt est en pleine croissance.
Le projet n’est pas fini pour autant : Guillaume Lemoine travaille maintenant sur la prise en compte d’un nouveau facteur pour le développement forestier, l’effet albédo : « Des arbres aux feuilles plus claires réfléchissent bien plus la lumière que ceux aux couleurs sombres. Cela engendre un différentiel de température, qui peut représenter une différence de près d’un degré celsius au sol entre espèces aux feuilles sombres et espèces aux feuilles claires ».
Une réflexion qui devrait orienter le choix des prochaines essences à planter. Et permettre de poursuivre la gestion de manière naturelle de cette forêt nouvellement créée aux portes de Lens.
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#sobriété foncière #préservation de la biodiversité #réhabilitation des friches #mixité fonctionnelle des espaces
