Réhabiliter intelligemment un patrimoine historique : l’exemple d’Arras

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  • Mise à jour le 29 septembre 2025
  • Création le 23 septembre 2025
  • Arras

La présence de friches dans une municipalité peut représenter une opportunité d'aménagement, surtout si elles sont situées en centre-ville. Depuis plus de 15 ans, la Communauté urbaine d'Arras (CUA) s'efforce d'intégrer harmonieusement dans son tissu urbain les terrains et les bâtiments cédés par l’armée, en transformant ceux-ci en véritables atouts pour le territoire.

Le projet en bref

Objectifs de développement durable

  • 11. Villes et communautés durables
  • 13. Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques

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Réhabiliter trois friches de 72 hectares, et 90 000 m² de bâtiments dont une grande partie est inscrite ou classée monuments historiques : voilà le défi que la Communauté urbaine d'Arras (CUA) relève depuis 2009. Elle a choisi de faire de la sobriété foncière un axe de sa politique !

Un plan global de redynamisation

Après la dissolution du 601ème régiment de la circulation routière en 2008 (RCR) à Arras, ayant entraîné la suppression de 730 emplois civils et militaires et une perte évaluée à 8 millions d’euros (M€) par an de pouvoir d’achat pour l’économie locale, la CUA s'est portée acquéreur en 2010 d'un lot de trois sites contigus pour le prix symbolique d'un euro : 

  • La Citadelle Vauban (45 hectares), au sud-ouest , inscrite au patrimoine mondial par l’UNESCO depuis juillet 2008 avec 11 autres sites majeurs de Vauban ;
  • L’esplanade du gouverneur (8 hectares), regroupant essentiellement des garages ;
  • La caserne Schramm, dont cinq bâtiments désaffectés depuis 1995.

Pour ces raisons, la CUA a bénéficié d’un contrat de redynamisation des sites de défense (CRSD), et 6,5M€ de subventions ont été accordés par le ministère de la Défense afin de mettre en place diverses actions visant à rétablir les emplois disparus et atténuer les effets de cette dissolution. Le bilan du CRSD est très positif et ce sont au total 875 emplois qui ont été créés entre 2009 et 2014.

Une étude préliminaire a été menée afin d'évaluer l'intérêt de ces sites en termes d'urbanisme, d'architecture du patrimoine et de paysage, tout en évaluant les potentialités de reconversion des sites, en cohérence avec le développement urbain et économique de la CUA.

« Les objectifs de cette démarche prospective globale d'organisation urbaine ont été l'amélioration de l'articulation des sites avec le centre ancien et la réutilisation adaptée des bâtiments et en particulier des bâtiments construits par Vauban qui font partie des éléments majeurs du patrimoine arrageois. Un plan guide d'aménagement [projet urbain global] a ensuite été défini », explique Thomas Floc’h, architecte du patrimoine à la CUA.

L’idée principale du projet d’aménagement est de faire de cet ensemble, à proximité du centre-ville, un nouveau quartier multifonctionnel de l’agglomération, ouvert sur Arras et Achicourt, profitant d'un cadre environnemental unique sur le territoire. La Citadelle se transforme progressivement en un lieu d'attraction touristique (grâce notamment à l'organisation du festival musical du Main Square chaque année), mais aussi en une zone résidentielle avec la réhabilitation de logements.  Des activités économiques y sont aussi développées (la CUA y a installé ses bureaux, une cave d'affinage a vu le jour, un accrobranche s’y est installé et un data center est également présent dans une ancienne poudrière...).

D’importants travaux d'aménagement des espaces publics sont alors réalisés afin de créer les conditions favorables à l’implantation d’activités diversifiées.

À chaque étape, le public est associé à la démarche à travers des réunions publiques d'informations, de concertation et de portes ouvertes

Vue des terrasses privatisées de la résidence sénior
Résidence Sénior « Les Jardins de l'Artois » © CUA

Créer les conditions idéales pour l’investissement

Du fait de leur mauvais état sanitaire, les bâtiments du site de la caserne Schramm présentaient beaucoup de contraintes pour être réutilisés en logements (surface réduite entre murs de refends, peu de fenêtres par mètre carré …). L’ensemble a été perçu comme austère par les potentiels investisseurs, rendant la projection difficile. 

Trois facteurs ont cependant favorisé le projet. Le premier est l’inscription en 2012 de tous les bâtiments à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Ce statut permet de défiscaliser une partie des travaux et de rendre le coût de l’opération supportable par l’investisseur (plus d’informations sur l’évolution des lois de protection du patrimoine français ici)

Le deuxième est l’emplacement idéal du quartier, à proximité du centre-ville. Le dernier est la relation de confiance déjà établie entre la CUA et l’opérateur immobilier retenu (Histoire & Patrimoine), qui s’était chargé de la réhabilitation de la Citadelle dès 2010. « Le dynamisme des élues et des équipes techniques les ont mis en confiance pour poursuivre leurs investissements sur Arras et ils ont saisi cette belle opportunité », poursuit Thomas Floc’h.

Redonner du sens 

Après validation de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), les travaux débutent en 2015. Trois bâtiments sont réhabilités en logement, et le dernier en résidence pour séniors, baptisée « Les Jardins d'Artois ».  Une attention particulière est portée à la conservation de la matière (maçonneries et charpentes en bois) et à l’amélioration de la performance énergétique (isolation, remplacement des fenêtres, chauffage par le réseau de chaleur urbain). 

La CUA se charge de la viabilisation et des aménagements publics (voiries, stationnements, espaces végétalisés, éclairage public, ...)Une partie de l’enceinte est démolie afin de restituer un portail monumental en forme de demi-lune. Cet ouvrage a permis de rétablir de nouvelles perspectives vers la place Victor Hugo et son obélisque, tout en créant une nouvelle liaison piétonne vers ce nouveau quartier. Un square public a été aménagé et la desserte des logements s’organise via des allées piétonnes ponctuées par des bancs intégrés dans des haies, volontairement épaisses, afin de mettre à distance le public des terrasses privatives.

La caserne Schramm construite dans les années 1690 est aujourd’hui métamorphosée et plus de 500 personnes vivent dans ce nouveau quartier ouvert sur la ville.

Un aménagement au fil de l’eau

Forte de cette expérience, la CUA poursuit désormais sa politique de réhabilitation en se concentrant sur l’esplanade du gouverneur qui doit à terme devenir un espace public structurant entre la citadelle et le centre-ville d’Arras. « Cet espace s’est ouvert progressivement au public, grâce à la création d’une nouvelle liaison piétonne le long du ruisseau des hautes fontaines, le passage d’une navette gratuite de centre-ville et la création d’un parking relais, souligne Thomas Floc’h. L’eau est le fil conducteur naturel entre les trois sites car depuis les douves de la Citadelle, le ruisseau traverse l’esplanade du Gouverneur avant d’être canalisé devant la caserne Schramm. Il s’agit à présent d’aménager un espace public qualitatif en s’appuyant sur cet élément structurant et générateur d’ambiance apaisée ». 

En plus de la construction d’un nouveau collège, la ville souhaite y créer des espaces de renaturation et de désimperméabilisation du sol, importants pour lutter contre les îlots de chaleur urbains et permettant l’infiltration de l’eau. Les abords de la Citadelle étant l’un des principaux espaces verts d’Arras, il était important de valoriser les espaces déjà existants, mais aussi de les développer. 

Ces réhabilitations sont maintenant constitutives de son identité de ville dynamique et accueillante ... Un bel exemple qui montre que les friches peuvent devenir un atout de taille pour les communes !

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