L’Hermitage : un tiers-lieu expérimental unique en son genre

  • initiative
  • récit
  • Mise à jour le 6 juin 2025
  • Création le 2 juin 2025
  • Autrêches

À la frontière entre l’Aisne et l’Oise, le tiers-lieu l’Hermitage est un véritable laboratoire d’expérimentation citoyenne et un démonstrateur de transitions. Près de 10 ans après sa création, le site pilote cherche aujourd’hui à devenir un campus 3zéro : zéro exclusion, zéro carbone et zéro pauvreté. Explications.

Le projet en bref

Objectifs de développement durable

  • 10. Inégalités réduites
  • 11. Villes et communautés durables
  • 12. Consommation et production responsables

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  • #circuit court
  • #recherche
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  • #tiers-lieu

Comment donner envie de vivre dans un territoire rural en déprise entre l’Aisne et l’Oise ? C’est la question que se sont posés les créateurs de l’Hermitage, tiers-lieu expérimental et citoyen à Autrêches, lorsqu’ils ont vu cet ancien domaine agricole en vente fin 2016. « C’est la nécessité, ou l’opportunité, de faire de l’Hermitage quelque chose d’utile au XXIe siècle qui m’a amené à m’engager là, explique Jean Karinthi, une des personnes à l’origine du projet, aujourd’hui président de la Foncière coopérative de l'Hermitage. L’idée, c’était de recréer un lieu de vivre ensemble, avec un tiers-lieu rural ».

En mai 2017, le concept est présenté devant une assemblée de 850 curieux·ses, et un crowdfunding est lancé dans la foulée. Le succès est au rendez-vous, puisque près de 100 000 € sont récoltés en l’espace de quelques mois. C’est le début de l’aventure ! Des ateliers expérimentaux sont ouverts la première année : aquaponie, réemploi de palettes, projection de films en plein air… Les idées ne manquent pas. 500 jours après, et au vu du succès de l'opération, ce qui était une expérimentation d’un an devient pérenne, et le domaine de l’Hermitage est définitivement acheté

Un commun unique en son genre 

Définir en un mot le tiers-lieu n’est pas une tâche aisée tant les activités sont diverses. Prenez une bonne dose de bénévoles motivé·es, ajoutez-y de l’expérimentation citoyenne, une volonté de créer un lieu de cohésion sociale, intégrez-y des problématiques environnementales, un soupçon de débrouille, le tout au milieu d’un territoire rural, et vous aurez l’Hermitage ! 

Le lieu est constitué autour de quatre grandes thématiques : le hacking citoyen, c’est-à-dire mettre les technologies numériques au service de l’intérêt général et du respect de l’environnement, l’agroécologie, la transition énergétique et surtout le vivre ensemble, présenté comme le leitmotiv du collectif. Pour Jean Karinthi, l’Hermitage se définit ainsi : « On se reconnaît plutôt dans la définition des lieux hybrides, des tiers-lieux, qui combinent des modèles économiques et qui constituent des espaces de rencontre, de découverte de l’altérité. Par exemple, on a un café collaboratif qui est un vrai tiers-lieu dans le tiers-lieu ».

L’Hermitage est  « un commun » :

  • un commun alimentaire, cherchant à créer de nouvelles relations entre la communauté de producteur·rices et celle des acheteur·euses, faisant la promotion de la consommation collective responsable et s’axant autour d’une charte alimentaire responsable et locale ;
  • un commun forestier, permettant l’accès de tous·tes au domaine forestier (riverain·es, promeneur·ses, chasseur·ses…), lequel est régi par une charte d’usage de la forêt ;
  • un commun numérique autour du Fablab, de l’apprentissage et des usages collaboratifs.
Équipe de l'Hermitage © L'Hermitage
Équipe de l'Hermitage © L'Hermitage

Lieu de recherche ou objet de recherche, telle est la question

L’Hermitage est également hybride par sa double dimension expérimentale. Il est tout à la fois  :

  • Lieu de recherche et d’expérimentation : nombreux·ses sont celles et ceux qui viennent mettre en place leurs expériences au sein du tiers-lieu. Des étudiant·es, des associations, des citoyen·nes… Chacun·e est encouragé·e à créer et à tester ;
  • Objet de recherche : des chercheur·euses se penchent sur le cas de ce tiers-lieu pas comme les autres. 

En clair, à l’Hermitage, on essaye, et on voit les résultats ! L’un des travaux qui illustre le mieux ces dimensions est celui mené par le sociologue Matei Gheorghiu, chercheur notamment rattaché à l’association Coop des Communs. Celui-ci se penche sur la notion de commun au sein de l’Hermitage, et ce, par plusieurs aspects, incluant notamment les enjeux d’évaluation de la démarche. Ce dernier point est particulièrement intéressant pour le tiers-lieu afin d’auto-évaluer les conséquences et impacts de son action sur l’environnement local et les éventuelles retombées positives sur le territoire.

Une autre illustration de cette philosophie est la volonté du tiers-lieu d’être un des premiers « Campus 3zéro » en France, aux côtés de l’ONG Acted. Cette démarche a pour objectif d’atteindre : 

  • Zéro exclusion : l’Hermitage se veut un lieu de rencontre, entre tous·tes, peu importe le milieu social, dans un milieu rural en déprise. En cela, il participe à la vie sociale et à l’intégration des habitant·es ;
  • Zéro pauvreté : le lieu propose des services civiques et alternances ouverts à tous·tes, pour former des jeunes du territoire à de nombreux métiers ;
  • Zéro carbone : il accueille le premier commun forestier géré par les usager·ères, et participe à la neutralité carbone en faisant la promotion d’une alimentation durable et locale, de la  réutilisation et de la réparation. 

Une place à trouver et un système économique à inventer 

Gérer un tel lieu nécessite une bonne organisation. Avec autant de personnes impliquées dans le projet (près de 120 bénévoles et une trentaine d’emplois directs) et une telle diversité d’actions, il est parfois difficile de tout coordonner et financer. C’est pourquoi le tiers-lieu développe un partenariat avec le hameau de Montrieux dans le Var. : « On a rencontré beaucoup de tiers-lieux, d’écolieux, de lieux hybrides… Et on s’est rendu compte que ce qu’on vivait ici n’était pas facile à partager. On a un gros foncier rural, il y a beaucoup d’enjeux autour de l’hôtellerie et de l’organisation de séminaires… Il y a peu de lieux qui sont proches de notre activité et de nos enjeux économiques, souligne Jean Karinthi. Ce qui caractérise Montrieux, c’est que c’est quasiment une cousine de l'Hermitage. Ce qui nous intéressait, c’était leur expérience en matière de méthodologie d’accompagnement individuel et collectif. Très vite, quand on est sur des lieux pareils qui doivent payer leur loyer, leur salaire et leurs emprunts, vous pouvez être amenés à diluer votre vocation, et vous finissez par être un hôtelier comme un autre. Notre objectif avec Montrieux c’est de ne pas perdre de vue que notre intention est avant tout humaniste ». Par ce partenariat, l’Hermitage cherche à renforcer son identité de tiers-lieu unique en son genre tout en ayant un soutien pour permettre la viabilité de l’initiative. 

L'un des autres défis de l’Hermitage est de travailler son acceptation par les responsables politiques, dont la connaissance des dynamiques de tiers-lieux n'est pas systématique. Le sentiment qu'ils représentent une forme de concurrence locale aux collectivités par rapport aux dynamiques associatives, culturelles, sportives, est parfois ancré, alors que les tiers-lieux comme L'Hermitage sont justement dans une perspective de coopération étroite avec les acteurs locaux et les collectivités. Leurs ambitions se rejoignent : maintenir la vie sociale dans les territoires et participer au bien-être de tous·tes.