Un PAT, ça se raconte ! Bilan de l’accompagnement à la mise en récits de Douaisis Agglo
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En 2022, Douaisis Agglo a fait le pari de la mise en récits pour renforcer l’impact de son Projet alimentaire territorial (PAT). Alors que l’accompagnement par le Cerdd a pris fin en décembre 2024, retour sur cette expérimentation avec Margaux Delebecque et Théo Legay, respectivement responsable de service et chargé de mission au sein du Service transition agricole et alimentaire de la communauté d’agglomération.
Avec ses 36 communes, 150 000 habitant·es, 180 agriculteur·rices, et une surface agricole qui équivaut à la moitié du territoire, Douaisis Agglo est un territoire tout aussi urbain qu’agricole. L’agglomération est confrontée à de multiples enjeux en matière agricole et alimentaire, qu’elle prend à bras le corps en portant un Projet alimentaire territorial (PAT) qui a fait ses preuves. Son but ? Permettre aux 150 000 mangeurs et mangeuses du Douaisis d’avoir accès à une alimentation locale, de qualité et durable.
Le PAT du Douaisis a été lancé en 2007. Fort de son ancienneté et du portage politique indéfectible de Jean-Luc Hallé, vice-président à la transition alimentaire et agricole, le PAT du Douaisis est reconnu pour son ambition et son caractère innovant. Précurseuses, les équipes du service transition agricole et alimentaire (TAA) l’ont par exemple été en acceptant la proposition du Cerdd de mettre en récits leur PAT. Si, à l’époque, l’approche narrative était balbutiante, elle a depuis connu une forte montée en puissance et suscite aujourd’hui un intérêt grandissant – à la fois pour les autres porteurs de PAT, et pour les structures qui soutiennent les dynamiques alimentaires locales, comme la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ou la Fondation Carasso.
D’août 2022 à décembre 2024, le Cerdd a donc formé le service transition agricole et alimentaire à la mise en récits. Margaux Delebecque, responsable du service, et Théo Legay, chargé de mission accessibilité alimentaire, ont accepté de revenir sur cet accompagnement, et de faire le bilan du chemin parcouru.
Un accompagnement construit au fil de l’eau
L’accompagnement à la mise en récits du PAT est centré sur la lutte contre la précarité alimentaire. Il se structure autour de deux volets d’action :
- l’appui à l’expérimentation, pour renouveler les modalités d’intervention de lutte contre la précarité alimentaire (à travers une résidence sensible menée par la compagnie de théâtre HVDZ) ;
- l’appui à la mise en récits globale du PAT.
Pour coller aux besoins exprimés par les équipes du Douaisis, le Cerdd construit son accompagnement de manière itérative, en ajustant la programmation et les animations suivant leurs retours.
Le 30 août 2022, quatre membres du service TAA ainsi que Jean-Luc Hallé, sont présents dans les locaux du Cerdd, pour une première session de travail. L’exercice autour du kit d’animation « Mise en récits » du Cerdd, permet de retracer la trajectoire du PAT et de faire le bilan des ressources disponibles. Il révèle la nécessité de concentrer la suite de l’accompagnement autour des dimensions « management en coopération » et « communication sincère » de la mise en récits.
Un événement a par la suite servi de cas concret d’expérimentation sur ces deux enjeux : la Semaine de l’alimentation durable. Organisée chaque année fin septembre, elle se compose d’une programmation variée portée à la fois par le service TAA et par les associations de l’alimentation durable. C’est un évènement majeur pour le service, et l’ opportunité de faire (re)connaître la politique alimentaire et agricole portée par l’agglomération auprès des habitant·es. Pourtant, les équipes observent une baisse de fréquentation sur certains temps forts de cette semaine, et identifient des axes d'amélioration sur le volet communication.
Une organisation interne remise à plat et des moments « coup de boost »
Le Cerdd anime plusieurs temps réflexifs autour de l’édition 2023 de la Semaine de l’alimentation durable. Des ateliers rassemblent l’ensemble de l’équipe transition agricole et alimentaire, mais aussi des membres d’autres services de l’agglomération : la communication, la culture et l'événementiel. Objectif : échanger sur les vécus, partager les contraintes et les méthodes de travail de chacun, pour, collectivement, remettre à plat les processus de travail autour de l'organisation de cet évènement.
Un pari payant selon Théo. « Ce qui nous a marqué [dans ces ateliers réflexifs] c’est que ça a été comme une “séance de psy” de projet. Tout le monde s’est senti à l’aise, se souvient-il… Ce sont des moments où chacun a pu s’exprimer, ce qui nous a permis d’avoir d’autres discours, d’autres points de vue, nécessaires pour repenser notre organisation de cet évènement. En plus, vous [le Cerdd] nous mettiez en valeur, en nous faisant remarquer des choses qu’on n’était pas capables de voir sur notre propre action : cette reconnaissance, ça rebooste. »
Margaux souligne que cela a aussi permis aux membres de l’équipe qui assurent les missions de secrétariat, plus éloignées du terrain, « de donner plus de sens au travail qu’elles fournissent. Ça a révélé d’autres valeurs dans leur travail administratif au quotidien. Je pense que pour elles, ça a été assez fort. »
Un progrès dans la valorisation du PAT
Quels effets deux ans plus tard ? Margaux observe une évolution des liens avec les autres services, en particulier la communication : « Avant, avec la com’, c’était plus de la “prestation de projet”, maintenant il y a davantage une approche de conduite de projet commun. La communication est ouverte à l’idée de modifier ses pratiques et sa façon de travailler avec nous. D’elle même, l’équipe nous propose des choses en plus de ce qu’on aurait pu demander, ça nous fait plaisir. »
« Le lien avec les partenaires a été amélioré, renforcé, ajoute Théo. Au sein du comité de pilotage des partenaires, ce sont les associations qui ont demandé à être actives dans l’organisation de la Semaine de l’alimentation durable. L’événement évolue donc d’un projet très interne au service transition agricole et alimentaire, à un projet partagé avec d’autres services et même au-delà. »
De manière générale, Théo perçoit un progrès sur « la valorisation du PAT, y compris auprès de nos collègues, en interne de Douaisis Agglo. On a pu mieux valoriser ce sur quoi on travaillait. Ça fait un coup de boost pour l’ego ! On a une plus grande confiance en nous dans la conduite des projets. »
Stratégie de communication, prospective et transmission
Quelle sera la suite pour la mise en récits du PAT ? « L’objectif est de finir ce qu’on a en cours, notamment sur le volet communication : l’étape d’après est d’avoir une stratégie de communication », nous dit Margaux. Une question d’autant plus importante que l’équipe va avoir entre les mains des visuels de présentation du PAT – produits à la suite des ateliers conduits en octobre 2024, avec l’appui d’une facilitatrice graphique. Une question reste en suspens : comment mobiliser les habitant·es ? Et comment ces visuels peuvent-ils y contribuer ?
Le service a par ailleurs une autre ressource en main pour muscler sa communication : les éléments chiffrés issus du programme Tetraa. Ce projet global d’évaluation du PAT conduit sur quatre ans, a fourni énormément de matière pour imaginer la suite du PAT. Le travail prospectif participatif, piloté par Solagro, a en particulier produit des chiffres parlants concernant l’évolution du paysage alimentaire du Douaisis en 2050 : - 30% de consommation de viande, de 95% à 10% d’agriculture conventionnelle, de 5% à 30% d’agriculture biologique... Reste à les faire connaître, et à en faire des leviers de débats et de mobilisation au service de la transition agricole et alimentaire du territoire.
Margaux identifie un autre enjeu majeur pour la suite de la mise en récits du PAT : celui de la transmission. Comment maintenir des savoirs et des compétences, aussi spécifiques que l’approche narrative, au sein d’une équipe qui change ?
Regarder le projet avec une autre paire de lunettes
Alors, après deux ans d’accompagnement, comment définiraient-ils la mise en récits ? Pour Margaux, « la mise en récits c’est tout un travail sur la posture. Comment on envisage le travail ensemble et qu’est-ce qu’il peut produire, aussi, sur le volet immatériel ? C’est regarder le projet avec une autre paire de lunettes, et pouvoir valoriser différemment les histoires et le travail des uns et des autres. Et du coup, proposer d’autres méthodologies qui permettent de valoriser des choses qui ne sont pas quantitatives, qui ne se voient pas forcément, mais qui font que les projets sont là, tiennent, et arrivent à embarquer des gens.»
« Moi je dirais que la mise en récits, ça montre que tout ce qu’on fait, ce n’est pas que des réunions, des euros dépensés, des hectares de surface agricole utilisée reconvertie…, ajoute Théo. Ce sont aussi plein d’histoires qui se forment avec les êtres sensibles que l’on est. Ce sont des relations qui se nouent, des tensions qu’il peut y avoir, des moments de joie d’autres plus difficiles… Et c’est toute cette histoire, qu’on vit avec les personnes qui entourent le projet, qui fait le PAT ! »
